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Au Liban ou ailleurs : pourquoi l’Iran perd sa guerre de l’ombre ?

Explosions de centrales nucléaires, assassinats de scientifiques, disparition suspecte du Président de la République Islamique puis liquidation d’Ismail Haniyeh dans un complexe résidentiel appartenant à la présidence iranienne à Téhéran, tous ces évènements ont un point commun : la touche des services de renseignement israéliens.

Cet article venu à la suite de la confirmation de l’assassinat du Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah et de la décapitation quasi-totale de l’état-major de la structure de résistance politico-militaire libanaise par l’aviation israélienne. Cet article donc s’inspire du travail de Grigory Zershchikov, publié dans la revue russe НЕВИДИМОЕ ИЗМЕРЕНИЕ (Dimension invisible) et sur une revue d’articles critiques parus au fil du temps dans le quotidien iranien Hamshahri. Une série d’articles demandant une réforme des services de renseignement iraniens et mettant à nu leurs lacunes, une littérature inimaginable dans un pays arabe.

En juin 2023, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux montrant un homme révélant les détails d’une tentative d’assassinat visant un homme d’affaires israélien à Chypre. L’assaillant présumé, Yusef Shahbazi Abbasaliu, membre du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien, a mené l’opération en Iran, où le Mossad a réussi à capturer et interroger un officier des renseignements iraniens sur le sol iranien.

Depuis 1997, l’ancien général du CGRI, Mohsen Rezaee, accusait déjà le Mossad d’infiltration, déclarant que des « agents doubles » au sein des services de renseignement iraniens transmettaient des informations aux Israéliens. En 2021, Ali Younesi, ancien chef du ministère du Renseignement et de la Sécurité (MOIS en anglais ou VAJA en farsi), a vivement critiqué le système de renseignement iranien, affirmant que la multiplication des structures, les rivalités internes et la focalisation excessive sur la répression des mouvements de protestation avaient créé des vulnérabilités que les services d’espionnage étrangers, notamment israéliens, ont largement exploitées.

La lutte pour le pouvoir diffère de la compétition politique saine. La première repose sur l’immoralité, l’illégalité et l’injustice, tandis que la seconde se fonde sur la loi et l’éthique. Une élection libre et légale encourage une saine concurrence politique. Sans respect de la loi, une telle compétition se transforme en guerre de pouvoir, qui dévie le pays de son chemin. C’est justement dans cette carie qu’est venu se loger le Mossad.

Infiltration israélienne : Stratégies et tactiques

Israël, en particulier, a su tirer parti des failles du système de renseignement iranien. La capacité des agents israéliens à pénétrer l’appareil de sécurité iranien a été facilitée par la désorganisation des services iraniens eux-mêmes. En effet, les rivalités entre les différentes branches, telles que le CGRI et le MOIS, ont engendré un manque de coordination et de partage d’informations, laissant la voie ouverte à des infiltrations répétées.

Israël utilise diverses tactiques pour infiltrer l’Iran, notamment des agents infiltrés dans des positions stratégiques, l’exploitation des dissensions internes au sein des forces de sécurité iraniennes, et la surveillance technologique avancée. Ces techniques permettent à Israël de collecter des renseignements cruciaux sur les activités militaires et nucléaires de l’Iran, ainsi que sur les mouvements politiques internes.

Opérations de sabotage et d’assassinats ciblés

Ces vulnérabilités ont également permis à Israël de mener des opérations de sabotage et d’assassinats ciblés. Les assassinats de scientifiques nucléaires iraniens et les attaques contre des infrastructures critiques, telles que les installations nucléaires de Natanz, sont des exemples frappants de l’efficacité de ces opérations. Les autorités iraniennes n’ont souvent pas été en mesure d’empêcher ces actions en raison de la profondeur de l’infiltration israélienne dans les structures de sécurité iraniennes.

Un exemple significatif de l’échec de la sécurité iranienne est l’assassinat du scientifique nucléaire Mohsen Fakhrizadeh en novembre 2020, un coup majeur pour le programme nucléaire iranien. Les opérations israéliennes, menées avec précision, démontrent l’incapacité de l’Iran à protéger ses actifs stratégiques contre une force extérieure aussi redoutable que le Mossad.

L’assassinat à Baghdad de Qassem Soleimani le 3 janvier 2020 a aussi été un coup dur pour le mécanisme d’ « exportation » de la Révolution iranienne à l’étranger et aux tentatives d’encerclement d’Israël par l’ « Axe de la résistance ». Bien que réalisé par les Etats-Unis, cette attaque a été la résultante d’une fuite interne dans l’appareil de sécurité iranien. Mahmoud Moussavi Majd avait été reconnu coupable, en juin 2020, d’avoir espionné les forces armées iraniennes, en particulier la Force Qods et d’avoir fourni à la CIA et au Mossad des renseignements sur les déplacements et les lieux où se trouvaient le général Qassem Soleimani.

L’assassinat, le 31 juillet 2024 d’Ismail Haniyeh, le jour de l’investiture du Président Massoud Pazechkian au Nord de Téhéran, dans un complexe résidentiel appartenant aux autorités sécuritaires iraniennes, sont là aussi le signe d’un échec patent des services iraniens à anticiper et traiter les menaces. Deux mois plus tard, aucune information sur l’enquête n’a filtré, pas même le Modus operandi dont la découverte ne nécessite pas de temps ou de moyens.

 

L’exploitation des dissensions internes

L’une des clés de la réussite du Mossad en Iran est son habileté à exploiter les rivalités internes au sein du gouvernement iranien. La lutte de pouvoir entre le CGRI et le MOIS affaiblit considérablement les efforts de contre-espionnage du pays. Les ressources qui devraient être allouées à la sécurité nationale sont souvent gaspillées dans des luttes intestines, permettant à Israël de frapper là où l’Iran est le plus vulnérable.

Cette dynamique interne s’est accentuée à mesure que les sanctions internationales et les tensions économiques ont exacerbé les divisions politiques en Iran. En conséquence, les services de renseignement israéliens peuvent souvent obtenir des informations précieuses grâce à des contacts internes mécontents ou désillusionnés par l’establishment iranien.

Conclusion

L’infiltration des services de renseignement israéliens en Iran, largement facilitée par les faiblesses internes des services de sécurité iraniens, a eu des répercussions profondes sur la sécurité nationale iranienne. Les succès israéliens dans la collecte de renseignements, le sabotage, et les assassinats ciblés ont exposé les graves lacunes de l’appareil de sécurité iranien. Tant que l’Iran ne parviendra pas à résoudre ses problèmes internes et à renforcer ses capacités de contre-espionnage, Israël continuera probablement à exploiter ces vulnérabilités pour avancer ses propres intérêts sécuritaires dans la région.

L’avenir géopolitique de l’Iran est en jeu et il n’est pas déterminé par les capacités de l’Téhéran de fabriquer des missiles hypersoniques ou d’importer le nec plus ultra de l’aviation russe. Il s’agit de faire en sorte que les responsables iraniens se concentrent sur l’unité de leur pays et cesser leurs querelles. Les luttes pour le pouvoir ont permis aux ennemis de l’Iran, notamment Israël, de frapper et d’exploiter les divisions du pays. Si les responsables continuent à se concentrer sur ces luttes, les attaques ennemies non seulement continueront, mais elles seront également plus efficaces. En revanche, la fin de ces luttes internes pourrait transformer ces menaces en opportunités.

Akram Kharief

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