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Ce que vous ne lirez pas dans la presse sur l’ASAL

asal-logoLe 26 septembre 2016 l’Agence Spatiale Algérienne (ASAL) qui dépend organiquement du Premier Ministre, envoi trois satellites dans l’espace grâce à une fusée indienne PSLV.

Le 10 Novembre 2016, soit un mois et demi après ce succès, l’ASAL a décidée d’honorer le staff d’ingénieurs qui a travaillé sur ce projet.

Entre ces deux dates il y a eu un véritable florilège d’articles, parfois dithyrambiques, parfois remplis d’erreurs et de fausses informations mais ne donnant jamais une vue réelle, dénuée de politique ou de esprit patriotique d’un événement qui est ni banal ni exceptionnel dans un pays en crise.

Nous avons mis à profit ce temps pour enquêter et essayer d’en savoir plus sur ce qui s’est passé histoire de donner le maximum d’informations au lecteur avant qu’il ne se fasse une opinion sur la chose.

Pour dire vrai, l’ASAL nous a ouvert ses portes et ses dirigeants ont été transparents, répondant à nos questionnements les plus dérangeants. Mais nous avons aussi obtenu d’autres informations par d’autres sources, civiles et militaires, concernant l’ASAL et les programmes Alsat. On y a entendu du bon et du moins bon. Nous avons aussi eu accès de manière informelle à plusieurs ingénieurs qui nous ont montré leurs travaux.

Commençons par la déclaration reprise par l’agence de presse officielle APS sur le lancement. Selon l’APS « La mise en orbite de ces satellites, réalisés et testés par des ingénieurs algériens au Centre de développement des satellites (CDS) d’Oran, s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre du programme spatial national horizon 2020, adopté par le gouvernement ». Hors, la mise en orbite en réalité est le fait d’un lanceur et non d’un fabricant de satellite. L’ASAL ayant acheté la plateforme à EADS Astrium (ou SSTL dont Astrium est actionnaire majoritaire), elle n’en a pu être conceptrice. Aussi, l’ASAL ne disposant pas (à juste titre d’ailleurs) d’équipements pour effectuer des tests lourds.

 

L’histoire du lancement des trois satellites de l’ASAL serait donc une arnaque ?

 

Oui complètement ! c’est une arnaque en termes de communication et de compréhension par la majorité des journalistes qui ont fait mine de s’y intéresser ces derniers mois, mettant à chaque fois hors contexte les propos ou les informations émanant de l’agence spatiale. Mettant en avant au choix du dédain ou de l’ultra-patriotisme stakhanoviste.

Dernier dérapage en date, un titre dans la presse reprenant hors contexte une phrase du PDG de l’ASAL disant, à propos du futur satellite de télécommunication en construction en Chine, « il permettra d’assurer la disponibilité d’internet partout sur le territoire ». Normal pour un satellite transportant de la donnée via VSAT et en position géostationnaire au-dessus d’un pays que de permettre aux détenteurs de l’équipement et du service d’accéder à internet partout en outdoor. Mais certains médias y ont vu une promesse du PDG de l’ASAL, d’améliorer la qualité de la connexion internet en Algérie et son accessibilité à l’ensemble des citoyens.

 

Que faut-il savoir sur l’ASAL et sur le programme Alsat et Alcomsat ?

 

D’abord et c’est triste de le dire, l’ASAL n’est pas un fabricant de satellite et n’a pas vocation de le devenir, c’est une agence spatiale, qui a vocation d’exploiter de manière scientifique, les données provenant de l’espace, de les interpréter et d’en faire un produit de consommation, commercial ou gratuit.

L’agence algérienne l’effectue depuis des années sans avoir recours à ses propres satellites mais en achetant de la donnée, elle continuera, logiquement à le faire comme le font toutes les agences, car la donnée spatiale diffère et aucune entité au monde n’est capable d’en fournir la totalité.

On parle de données électro-optiques de différentes résolutions (parfois les résolutions basses sont nécessaires pour faire des études sur de larges espaces), de données radars, d’imagerie thermique …..

En prenant les choses d’une manière positive, l’ASAL sur le cas des satellites Alsat, a réalisé un véritable offset program, avec la formation d’ingénieurs locaux à l’assemblage de sous ensembles pour constituer des satellites.

Cet offset program, non contraignant pour l’ASAL lui a permis de justifier la création d’une unité d’intégration de satellites équipée d’une salle blanche et de différents appareillages et outillages dédiés.

Cela permettra peut-être après le lancement d’Alcomsat 1, de travailler sur la conception d’un satellite algérien, avec des sous-ensembles choisis chez différents fournisseurs, peut-être même créer un écosystème local.

Si par exemple le MDN avait systématisé ce genre de démarches ces dix dernières années, l’Algérie aurait fait des économies de centaines de millions de dollars et aurait à terme vu apparaître un tissu industriel militaire pouvant répondre (en dinars) à la demande du marché et même exporter.

De plus, la démarche de l’ASAL dans l’épisode Alsat 2, est intéressante du point de vue de la gestion du projet qui s’est faite localement et de manière à optimiser les coûts et à se détacher de la dépendance du fournisseur principal EADS Astrium.

L’implication de l’Etablissement de Construction Aéronautique d’Oran qui relève du Ministère de la Défense, a permis, malgré les réticences des fournisseurs étrangers, de fabriquer les moyens techniques au sol localement.

On parle là du berceau du satellite, du container spécial pour le transport et du palonnier qui permet de déplacer l’engin vers son emplacement dans la fusée.

Même le fait d’avoir impliqué la compagnie d’assurances CAAT est une chose très positive, c’est pour l’assureur une nouveauté à laquelle il a dû s’adapter de manière à ne pas grever le budget de l’opération, tout en répondant aux questionnements du pool de réassureurs qui soutenaient le marché.

Le choix aussi du lanceur indien PSLV, a non seulement été risqué techniquement, car ce fut le premier lancement multiple de satellites de la fusée, mais il a été décidé malgré l’obligation quasi contractuelle de passer par Ariane V, pour quasiment dix fois le coût. Là aussi, c’est un succès passé inaperçu réalisé par les négociateurs de l’ASAL.

Sur un autre plan, plus concret, notre visite du centre de développement de satellites d’Oran, lors de la journée d’hommage aux équipes du centre, un coin avait été réservé aux réalisations concrètes.

La plus impressionnante en matière d’ingéniosité et de maîtrise, est celle de la localisation de potentielles zones de forage pour trouver de l’eau dans la région désertique de Tindouf. Cette réalisation a été le fait d’un ingénieur du centre qui a réussi à modéliser, grâce à des inputs satellitaires radars et des images de hautes résolutions et une formule mathématique, une cartographie des probabilités de forages.

Même si les responsables ont évité de commenter l’origine de la demande, il nous a semblé logique qu’elle ait émanée du Ministère de la Défense. Si c’est le cas, la démarche multisectorielle orientée solution, semble concrètement plus intéressante que l’idée qu’un satellite ait été monté à 100% en Algérie.

Idem pour l’étude, là aussi commandée par le secteur de l’hydraulique, sur les risques d’inondations dans la vallée du M’Zab dans le Sud Algérien. Ou celle de la recherche des régions avec le potentiel solaire le plus important. Celle aussi de l’optimisation des zones de pêche.

En gros, l’ASAL aurait fort à faire s’il y avait une véritable expression de la demande de la part des autorités ou simplement une stratégie sur une période donnée, où l’apport des données spatiales pourrait être déterminant.

Le lecteur notera par lui-même l’écart existant entre ce que nous venons de déclamer et la communication institutionnelle ou la récupération faite par les hommes politiques au pouvoir.

L’ASAL est aussi un bon exemple de synergie entre l’armée et le secteur économique et scientifique. L’ANP, est très impliquée dans l’effort de l’agence spatiale et reste son plus important client. Le centre de Ouargla, bien qu’ayant un personnel civil a un statut mixte. C’est l’armée de l’air qui s’est occupée des transferts d’équipements entre l’Algérie, la France et l’Inde et l’exemple de l’ECA est aussi là pour illustrer le rapport symbiotique entre les deux entités.

Que faire de l’ASAL ?

L’agence bien que étatique a naturellement assimilée les concepts d’engineering et de rentabilité, les pouvoirs publiques doivent enjoindre l’administration pour que l’ensemble de ses démembrements se tournent vers elle et l’exploitent.

L’agence doit aussi poursuivre la formation de cadres et d’ingénieurs en vue de préparer l’avenir. Elle devra veiller à associer des partenaires locaux, qu’ils soient universitaires, publiques ou PME privées pour concrétiser les démarches d’intégration locale.

Assurer l’autonomie en matière de satellites de communication et se doter de plus de capacités d’observation.

Que du bon donc ?

Non pas uniquement, il y eu l’épisode des composants israéliens dans le premier satellite, qui peut démontrer la légèreté à l’époque dans le suivi.

L’absence de redondance dans les liaisons descendantes de données. L’antenne à bande X (pourtant prévue aussi pour Oran dans le cahier des charges) n’a été installée qu’à Ouargla. Mais surtout l’ASAL souffre du mal dont souffre l’Etat Algérien, le fait de ne pas rendre de comptes aux citoyens ou de montrer de la transparence dans la gestion.

Cette tendance à céder à la récupération politique et à communiquer sans pédagogie risque de déstabiliser, en cas d’échec l’agence, car jouer sur le terrain de la perception au lieu de celui de la science, c’est se confronter à tout moment à une opinion publique parfois capricieuse.

 

Akram KHARIEF

 

 

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