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Pallets of 155mm shells sitting on the tarmac at Belgrade’s Nikola Tesla airport on January 22, 2025. Photo: 24sata.hr

De Gaza à l’Ukraine : comment Belgrade capitalise sur les conflits

En 2024, les exportations d’armes serbes vers Israël ont atteint un montant record de 42,3 millions d’euros. Malgré les appels de l’ONU à cesser ces livraisons en raison des violations présumées du droit international à Gaza, Belgrade mise sur ses liens militaires et technologiques avec Tel-Aviv pour renforcer son poids diplomatique… tout en vendant simultanément des roquettes à l’Ukraine. Enquête sur une politique étrangère à plusieurs visages.


Un boom des ventes en pleine guerre à Gaza
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les données douanières analysées par The Balkan Investigative Reporters Network  (BIRN) et le journal israélien Haaretz, la Serbie a exporté pour 42,3 millions d’euros d’armes à destination d’Israël en 2024 – une explosion par rapport aux 1,4 million d’euros enregistrés en 2023. Ces ventes ont continué après le cessez-le-feu du 15 janvier entre Israël et le Hamas, avec plusieurs vols militaires israéliens atterrissant à Belgrade au cours des mois suivants.

Des clichés publiés le 22 janvier par le journal croate 24 Sata montrent des palettes d’obus de 155 mm sur le tarmac de l’aéroport de Belgrade. Ces munitions, prisées au Moyen-Orient et en Ukraine, sont produites dans les usines publiques serbes de Krusik (Valjevo) et Sloboda (Cacak). Le même jour, un Boeing 747 israélien s’est garé à proximité et est reparti vers la base aérienne de Nevatim, en Israël.

Une enquête de BIRN/Haaretz a recensé au moins 20 vols entre la Serbie et la base de Nevatim en 2023. En octobre et décembre, deux livraisons d’armes serbes vers Israël ont été enregistrées pour un total de près de 20 millions d’euros. Pourtant, le gouvernement serbe refuse toujours de commenter ses ventes d’armes, arguant du caractère « strictement confidentiel » des données commerciales militaires.

Une diplomatie des armes à double tranchant
Pour les analystes, cette stratégie n’est pas seulement économique. Selon Vuk Vuksanovic, chercheur au Centre de politique de sécurité de Belgrade, ces exportations sont aussi un moyen pour la Serbie de s’attirer les bonnes grâces des États-Unis via Israël : « La Serbie voit Israël comme une porte d’entrée vers la Maison Blanche. Ce calcul pourrait encore s’intensifier si Donald Trump revient au pouvoir. »

Le partenariat est d’ailleurs à double sens : Belgrade a récemment signé un contrat avec l’entreprise israélienne Elbit Systems pour l’acquisition de systèmes d’artillerie et de drones. Et dans le domaine sécuritaire, les liens sont tout aussi sensibles : la Serbie a été accusée d’utiliser des technologies israéliennes pour espionner des activistes et journalistes via le logiciel Circles, comme l’a révélé une enquête de BIRN avec le soutien d’Amnesty International.

Roquettes pour Kiev, silence sur Gaza
En parallèle, la Serbie poursuit sa montée en puissance sur le marché des armes à destination de l’Ukraine. Avant un voyage à Kiev, le président serbe Aleksandar Vučić a autorisé un contrat majeur entre la société d’État Jugoimport-SDPR et l’entreprise tchèque Excalibur pour la fourniture de roquettes de 122 mm, destinées aux lance-roquettes multiples Grad ukrainiens. Montant : 420 millions de dollars, avec un acompte de 15 millions déjà versé.

La Serbie devient ainsi un concurrent direct de la Bulgarie sur le marché européen de la munition, tout en évitant toute prise de position politique explicite sur le conflit russo-ukrainien. Comme l’explique Vuksanovic, « la Serbie utilise sa diplomatie multivectorielle pour maximiser ses bénéfices, qu’ils soient financiers, technologiques ou politiques. »

Alors que les ONG dénoncent l’inaction de Belgrade face aux crimes de guerre présumés à Gaza, la Serbie poursuit une politique d’exportation offensive. Les armes partent vers Israël, les roquettes vers l’Ukraine, et les technologies de surveillance espionnent les opposants. Une stratégie risquée, mais assumée, au service d’une ambition : exister sur l’échiquier international coûte que coûte.

https://balkaninsight.com/2025/01/28/regardless-of-war-crimes-claims-serbias-arms-sales-to-israel-soar/

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