Lorsqu’il prend son envol pour la première fois à la fin des années 1990, le Sukhoï Su-30MKI marque une révolution silencieuse dans le monde de l’aviation de combat. Héritier direct du légendaire Su-27 Flanker, il n’est pas seulement une évolution de ce chasseur soviétique mythique, mais une plateforme entièrement repensée, combinant l’endurance d’un intercepteur lourd, la maniabilité d’un chasseur léger et la polyvalence d’un avion d’attaque moderne.
Fruit d’une coopération inédite entre la Russie et l’Inde, le Su-30MKI est né de la volonté de l’Indian Air Force de disposer d’un appareil capable de dominer le ciel sur de longues distances, tout en frappant des cibles terrestres et navales avec précision. Pour atteindre cet objectif, Sukhoï et Hindustan Aeronautics Limited (HAL) ont conçu un avion hybride à architecture ouverte, intégrant des technologies venues de plusieurs pays.
L’appareil se reconnaît avant tout à sa « moustache », un plan canard qui ajoute de la portance à l’avant de l’appareil vu le poids énorme du radar qu’il porte et qui aide aussi l’avion à effectuer des manœuvres complexes à très basse vitesse. Il est doté de réacteurs à poussée vectorielle AL-31FP lui offrant une agilité hors norme, d’un radar multifonction Bars-R capable de suivre plusieurs cibles simultanément, et d’une avionique hautement sophistiquée. Le Su-30MKI s’est rapidement imposé comme le pilier de la puissance aérienne indienne.
Le Su-30MKI (Modernizirovannyi Kommercheskiy Indiskiy) est né de la collaboration stratégique entre Sukhoï (Russie) et Hindustan Aeronautics Limited (HAL, Inde) à la fin des années 1990.
L’Inde, cherchant à remplacer ses MiG-23 et MiG-27 par un chasseur multirôle lourd, voulait une plateforme moderne combinant manœuvrabilité, autonomie et avionique avancée.
Le premier vol du prototype a lieu en 1997, et les livraisons de série débutent en 2002. Depuis, plus de 270 exemplaires ont été produits, dont la majorité assemblée sous licence en Inde par HAL à Nasik, le reste étant construit à l’usine d’Irkoutsk en Russie.
Le Su-30MKI conserve la cellule de base du Su-30, lui aussi dérivé de la cellule du Su-27UB, version biplace d’entraînement du Su-27. On note des changements majeurs sur sa structure :
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Canards (plans canards avant) : ajoutés pour augmenter la portance à l’avant et la manœuvrabilité à forte incidence.
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Empennage agrandi, ailes redessinées avec gouvernes renforcées.
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Train d’atterrissage renforcé pour supporter une masse maximale au décollage de plus de 38 tonnes, notamment avec l’ajout d’une seconde roue au train avant.
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Système de ravitaillement en vol intégré.
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Autonomie : jusqu’à 3 000 km sans ravitaillement, plus de 8 000 km avec ravitaillement en vol.
Propulsion : les moteurs AL-31FP à poussée vectorielle

Le cœur du Su-30MKI réside dans ses deux turboréacteurs Saturn AL-31FP dérivés de ceux du Su-27, mais avec une buse orientable en 2D. Ils disposent d’une poussée unitaire de 12 500 kgp avec postcombustion. Ils ont une orientation vectorielle de ±15° sur deux axes, contrôlée indépendamment pour chaque moteur, ce qui permet des manœuvres extrêmes, notamment des virages instantanés à haute incidence. Le tout est supervisé par un système FADEC (Full Authority Digital Engine Control) intégré pour une gestion électronique complète. Cette configuration confère au MKI une super-manœuvrabilité rare, lui donnant un net avantage en combat rapproché (dogfight).
Avionique et électronique de bord
L’une des plus grandes forces du Su-30MKI est son avionique composite, issue de plusieurs pays, fruit d’un partenariat inédit.
Systèmes russes :

Radar N011M Bars-R (Phazotron-NIIP) :
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Radar à antenne à balayage mécanique hybride (PESA).
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Détection air-air : jusqu’à 140–150 km pour une cible de type chasseur.
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Capacité air-sol et air-mer complète.
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Suivi simultané de 15 cibles, engagement de 4.
Système optoélectronique OLS-30 (recherche infrarouge, télémètre laser).

Systèmes indiens :
• Système de navigation inertielle et ordinateurs de mission développés localement.
• Liaison de données indienne (Datalink-II) pour communication inter-avions.
• IFF (Identification Friend or Foe) de conception indienne.
Systèmes occidentaux :

• Thales (France) : affichages multifonctions MFD, modules de communication fabriqués sous licence indienne par la société Samtel.
• SAGEM (France) : système de navigation hybride GPS/INS.
• Elbit (Israël) : guerre électronique, modules ECM (contre-mesures actives).
• Elta (Israël) : pods de reconnaissance et de brouillage.
• Rafael : pods de visée tout-temps de type Litening.
Systèmes de guerre électronique et autoprotection
• Système Tarang Mk2 (indien) d’alerte radar.
• Brouilleurs actifs EL/L-8222 (israéliens) en pods externes.
• Distributeurs de leurres et paillettes infrarouges.
Armement
Le Su-30MKI est conçu pour toutes les missions : supériorité aérienne, attaque au sol, anti-navire, SEAD/DEAD et dissuasion nucléaire.
Armement air-air :
• Missiles R-73 courte portée à guidage infrarouge.
• R-27ER/ET moyenne portée à guidage radar semi-actif.
• RVV-AE moyenne portée à radar actif.
• Astra Mk-1 et Mk-2, missiles indiens à guidage radar actif et à faible signature au départ.
Armement air-sol :
• Bombes guidées KAB-500, KAB-1500.
• Missiles Kh-29, Kh-31P, Kh-59.
• Missiles anti-navires Kh-31A.
• Missile air-sol BrahMos-A.
Armement interne :
• Canon GSh-30-1 de 30 mm, 150 obus.
L’appareil dispose de 12 points d’emports et peut transporter jusqu’à 8 tonnes de charge utile.
Cockpit et ergonomie

Le Su-30MKI est un avion biplace. Le pilote est à l’avant pour la manœuvre et le combat, et un navigateur/opérateur est à l’arrière pour la gestion radar, la navigation et l’armement. Il est équipé de :
• 3 écrans multifonctions couleur (MFD) à l’avant et de 4 à l’arrière.
• Affichage tête haute (HUD) SU-967 de chez HAL.
• Sièges éjectables K-36DM (zéro-zéro).
• Casques avec viseur Sura (HMS) pour guidage visuel des missiles R-73.
Les différentes versions du Su-30MKI
Le Su-30MKI symbolise aussi la philosophie d’évolution modulaire de la famille Su-30, dont il est la pierre angulaire. Le MKI a donné naissance à plusieurs versions dérivées : Su-30MKA (Algérie), Su-30MKM (Malaisie), Su-30SM/SM2 (Russie), Su-30SME (version export) — toutes sont les héritières directes, chacune adaptée aux besoins et aux doctrines de ses utilisateurs. Ces avions partagent tous le même radar, le même cockpit avec la même interface et des réacteurs similaires.
Su-30MKA – Algérie

Le Su-30MKA est une version dérivée pratiquement identique au MKI, à la seule différence qu’il n’est pas doté de composants de chez Rafael, l’Algérie ne reconnaissant pas l’État sioniste. L’avion est du coup équipé de différents composants indiens et russes. Il ne dispose pas de pod de visée et sa panoplie d’armements se limite aux munitions d’origine russe, sans capacité de lancer des bombes à guidage laser.
Su-30MKM – Malaisie

Le Su-30MKM est la version du MKI pour la Royal Malaysian Air Force. C’est de loin le modèle le plus évolué de la série. Le MKM est reconnaissable extérieurement grâce à ses différents capteurs qui protègent l’appareil des menaces de missiles sur 360°. Les Malaisiens, disposant de matériel occidental et soucieux d’avoir le meilleur, ont profité de cette excellente plateforme pour obtenir un avion moderne sur mesure pour leurs besoins. Le MKM est une version largement occidentalisée, utilisant des équipements fabriqués sous licence en Inde et des équipements français et suédois via une joint-venture en Afrique du Sud.
Thales :

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HUD : les Malaisiens se sont tournés vers le fabricant français Thales pour le viseur tête haute holographique de type CTH 3022, un bijou de technologie qui permet la navigation par infrarouge de type Navflir.
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Pod de visée : ils sont équipés d’un pod de type Damocles, qui permet des missions d’attaque et de reconnaissance tout-temps et l’emploi de bombes à guidage laser telles que les GBU-12 et les KAB-500/1500L.
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IFF : le système d’identification est lui aussi de chez Thales.


SAAB Avitronics
LWS : le LWS-310 est un ensemble de capteurs d’avertissement qui détectent toute menace utilisant un viseur laser, que ce soit en air-air ou surface-air, permettant à l’avion de détecter ces menaces silencieuses mais létales.
MAWS : il est aussi doté du MAW-300 qui détecte le lancement des missiles, améliorant la survivabilité en milieu hostile.
Su-30SM – Russie

Le Su-30SM est l’adaptation du MKI pour l’armée de l’air et la marine russes. Les différences avec le MKI incluent une avionique différente, notamment le HUD holographique CTH 3022 de Thales et l’IFF Parol d’origine russe. Extérieurement, ils sont identiques à l’exception de l’absence de quelques tubes Pitot.
Su-30SME – Export

Le Su-30SME n’est autre que le Su-30SM. Après l’invasion de la Crimée par la Russie en 2014, toute collaboration militaire avec la France fut stoppée. Le gros contrat portant sur les Mistral déjà construits fut annulé et les bateaux revendus à l’Égypte. Le Su-30SM fut une victime collatérale de ce changement de politique.
Les Russes, ayant décidé de se séparer de tout ce qui est occidental sur leur avion de pointe, ont mis ces équipements à la disposition de clients étrangers tels que l’Arménie, le Kazakhstan, le Myanmar et le Belarus. Les Russes ont permis au Kazakhstan d’assurer la maintenance de certains de ces équipements français via une société de Safran implantée sur place.

Su-30SM2 – Russie

L’épisode français fut peut-être un mal pour un bien pour les industriels russes. Les problèmes entre la Russie et l’Ukraine poussèrent les Russes à développer leurs propres équipements de navigation, leur propre pod de visée et leurs propres munitions. Le Su-30SM2 est une version 100 % russe du Su-30SM :
Le HUD de Thales a été remplacé par l’IKSh-1M qui équipe le Su-35S, de même pour les équipements de communication de chez Safran remplacés par un équivalent russe. Le viseur de casque Sura d’origine ukrainienne fut remplacé par une nouvelle génération développée pour les MiG-35/29M sous la désignation HCЦ-94. La famille des missiles R-27 et R-73 a été remplacée par des versions plus modernes fabriquées en Russie. Un pod de visée T-220 fut incorporé dans l’arsenal de l’appareil.
Modernisation en cours
En 2023, lors du Forum Army au nord de Moscou, un Su-30SM2 fut présenté avec des réacteurs AL-41F ; ce fut la première étape pour la modernisation du Su-30SM2 vers les standards du Su-35S.
La deuxième étape a vu l’utilisation de la nouvelle série de missiles air-air russes R-74, R-77-1 et, surtout, le R-37M. Il est intéressant de noter que ces équipements ont été utilisés par le radar Bars-R de base qu’on trouve sur toute la famille Su-30MKI, démontrant qu’une modernisation basique pouvait augmenter les capacités de combat BVR du Su-30 d’au moins 150 % !

À moyen terme, le constructeur voudrait proposer une modernisation totale de l’appareil en influant également le radar Irbis-E et l’avionique, avec deux écrans larges qui équipent les Su-35S de série.

Autre modification majeure : la mise en place de systèmes de protection SOAR et SOLO, qui sont des MAW et des LWS équipant les Su-35S, le Su-57 et le MiG-29M/35.
La question qui se pose maintenant est de savoir si l’upgrade avec Irbis-E est judicieux à long terme, ou s’il vaut mieux attendre une version AESA surpuissante issue du programme Su-57.

L’Inde, quant à elle, et depuis la débâcle du Su-30MKI avec ses RVV-AE (version export du R-77 de base) face aux F-16C pakistanais équipés d’AIM-120C5, travaille à la mise à niveau de sa flotte vers le standard Su-30MKI Super Flanker, un programme qui avance tant bien que mal et qui prévoit :
• Radar AESA Uttam développé localement.
• Cockpit numérique « full glass ».
• Systèmes de guerre électronique indigènes.
• Demande d’intégration de missiles israéliens de type I-Derby ER pour les combats BVR.
• Et, dernièrement, demande d’intégration de missiles russes RVV-BD et RVV-SD après leur succès lors de la guerre en Ukraine.
FULCRUM
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