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La posture nucléaire des Etats-Unis : dangereuse ambiguïté

Docteur Folamour
Doctor Strangelove
1963
rŽal : Stanley Kubrick

Contribution de M Tewfik HAMEL 

 

Malgré tous les changements intervenus dans les relations internationales depuis la fin de la guerre froide, les armes nucléaires continuent à jouer un rôle prédominant comme l’expression de la puissance ultime. La stratégie américaine de lutte contre les ADM de 2002 a appelé à une « nouvelle méthode de dissuasion » parce qu’on a supposé quel que soit son caractère politique et stratégique, le conflit asymétrique -par sa nature même- est extrêmement difficile à dissuader. Il y a une part de vérité dans cela. Mais la vraie raison est à chercher dans la culture stratégique américaine. Bien que ce ne soit pas le lieu ici d’aborder la question, il convient de souligner l’ancien Secrétaire à la Défense Dick Cheney a, dès janvier 1991, en plein crise du Golfe, publié un document top-secret intitulé « Nuclear Weapons Employment Policy (NUWEP) » qui aurait chargé les militaires de planifier des opérations nucléaires contre des nations capables de développer ou fournir des ADM. En mars suivant, le Joint Military Net Assessment a conclu que les forces nucléaires non-stratégiques en particulier « pourrait assumer un rôle plus large dans le monde en réponse à la prolifération des capacités nucléaires parmi les pays du Tiers-Monde ».

Un rapport de 1998 suggère qu’un « paradigme prospectif » concernant la dimension nucléaire de la politique de sécurité des États-Unis a émergé. Le noyau de ce paradigme est que les armes nucléaires vont continuer indéfiniment à jouer un rôle indispensable.[1]  L’administration Bush sort ainsi de l’ « ambigüité stratégique » caractérisant la posture nucléaire du pays vis-à-vis des Etats non-nucléaires en adoptant la « dissuasion sur mesure ». Une version de cette approche a été maintenue par l’administration Obama. En effet, La posture nucléaire actuelle des Etats-Unis est décrite d’« ambiguïté calculée ». Le rapport de réexamen de la posture nucléaire 2010 stipule clairement que Washington se réserve le droit d’employer des armes nucléaires « pour défendre les intérêts vitaux des Etats-Unis ou leurs alliés et partenaires ». Le problème est que les Américain définissent leurs intérêts vitaux de façon très vague.

Dans son avis bien que non contraignant sur « Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires » de 1996[2], la Cour internationale de Justice a conclu que « la menace ou l’emploi des armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international ». Toutefois, le tribunal n’était pas en mesure de « conclure définitivement si la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d’un État serait en cause ». En se basant sur la « Doctrine militaire de la Fédération de Russie » d’août 2015[3], la posture nucléaire de la Russie est plus conforme à la décision du tribunal international sur la légalité de l’utilisation nucléaire.

En effet, il est difficile mais nécessaire de comprendre les raisons pour lesquelles les États cherchent à se procurer des armes. « Il est toujours difficile d’imaginer les raisons pour lesquelles on a besoin des armes. Il est beaucoup plus difficile de savoir ce que l’on peut en faire une fois qu’on les a », notait un historien américain. Dans un best seller intitulé Strategy and Arms Control, Thomas C. Schelling et Morton H. Halperin ont fait valoir que le contrôle des armements et la politique militaire doivent être attaché aux mêmes buts fondamentaux de sécurité – empêcher la guerre, minimiser les coûts et les risques de la course aux armements, et restreindre la portée et la violence de la guerre dans l’éventualité où elle devrait se produire. Particulièrement vulnérables et dangereusement provocateurs, les systèmes d’armes devraient être limités car les Etats pourraient être tentés de préemption ou même encourager la guerre préventive. Si la politique des Etats-Unis continue de négliger les facteurs qui motivent les Etats de se doter d’armes nucléaires, les efforts de stopper la prolifération sont voués à l’échec.

En conséquence, les Etats-Unis doivent (sans attendre) revoir de manière inconditionnelle la nature potentiellement provocatrice de sa stratégie de sécurité nationale. La menace continue d’utiliser des armes nucléaires en premier est militairement potentiellement déstabilisatrice, et l’utilisation effective des armes nucléaires en premier est politiquement intenable et militairement dangereuse. L’usage d’armes nucléaires est toujours possible. Cela est d’autant vrai que les arguments pour une politique américaine de non utilisation en premier ont traditionnellement rencontré une résistance farouche de certains éléments de la défense et de la politique étrangère. Les décideurs et les planificateurs de la défense sont toujours réticents à l’idée de priver les commandants en chef de toutes les options militaires potentielles. Pourtant, un principe fondamental de la théorie de la dissuasion, énoncée pour la première fois et popularisée par Thomas Schelling, est que la limitation de ces options peut être bénéfique pour la dissuasion et la stabilité stratégique.

 

[1] http://www.bits.de/NRANEU/docs/ndu0698.pdf

[2] http://www.un.org/law/icjsum/9623.htm

[3] https://www.offiziere.ch/wp-content/uploads-001/2015/08/Russia-s-2014-Military-Doctrine.pdf

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